Accueil - Rubrique : Sciences sociales / Séduction - Dossier : Séduction - Année : 2004 Alice la saucisse |
![]() Alice apprend les règles de ce code de la séduction et, avec la même rage qu'elle construisait l'apparence parfaitement lissée de son corps, elle l'abandonne aux hommes. Recluse dans son appartement, elle « ouvre les cuisses... et la bouche aussi » à tous les hommes de passage. Pour plaire aux hommes, qui préfèrent « les plus potelées, les moins parfaites, les plus accessibles », Alice se laisse grossir au point de devenir cette montagne de graisse qu'elle offre à deux jumeaux. Elle est devenue gentille, « parfaitement gentille », et atteint la jouissance en faisant le « don de soi » à ces deux insatiables gourmands. Mais elle cherche « encore à savoir si elle avait été assez bonne ». Ce conte philosophique, écrit avec une plume tendre et ironique, se prête à de multiples lectures [2]. On peut y voir aussi, de la part de Sophie Jabès, une interrogation sur la stratégie de séduction. Contrairement à un préjugé tenace, séduire ne rime guère avec maîtriser. Séduire est un jeu où chacun croit tenir l’autre, mais est aussi tenu par lui. Le grand Laclos l'avait déjà mis en lumière dans son éblouissant roman épistolaire [3]. Au moment où Valmont croit vaincre Mme de Tourvel, il est séduit. Alice est elle, dans la langue du XXe siècle, littéralement bouffée par l'objet de sa séduction. On ne meurt que du désir de l’autre... 10 juin 2004
[1] JABÈS Sophie, Alice la saucisse, Verticales, 2003.
[2] Voir les critiques : Éditions Verticales, Avoir à lire, Lire, L'idéaliste littéraire. [4] LACLOS Choderlos de, Les liaisons dangereuses [Préface, notes et dossier par Michel Delon], Livre de Poche, [1782] 2002. |